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"Jacques Chirac l'héritier fossoyeur. Les funérailles du gaullisme"
Jean-Michel Helvig

Libération - 30/05/1997

 

Ceux qui se réclament de De Gaulle ont oublié que le général défendait d'autres valeurs que celle de l'immobilier.
 

Le cadavre était dans le linceul, le linceul dans le cercueil, il restait quelques clous à planter sur le couvercle pour en finir, une bonne fois, avec le gaullisme: c'est Jacques Chirac qui aura tenu le marteau. Une coïncidence de date a fait venir à Paris, alors que la droite venait d'enregistrer la claque électorale que l'on sait, les signataires d'un accord entre l'Otan et la Russie enterrant symboliquement la guerre froide. C'était une façon aussi de signaler l'épuisement historique de la vision gaullienne d'une France indépendante des blocs. Si l'on ajoute le délitement de la "présence" française en Afrique à la réintégration française dans le giron de l'Otan, ce sont les piliers des temps prétendus héroïques de la diplomatie gaullienne qui se sont effondrés. Même l'Europe n'est plus un terrain de distinction critique de la part des "héritiers", depuis que Lionel Jospin a énoncé des conditions de passage à l'euro auxquelles ils se sont tous ralliés. Si, sur le plan international, Jacques Chirac aura accompagné un mouvement qui l'avait précédé, le naufrage électoral de la droite française - même si un ultime coup de talon dans les heures précédant le second tour des législatives devait lui permettre de pointer de manière provisoire le nez à la surface - est imputable en quasi-totalité à ce rejeton lointain du Général (par la cuisse pompidolienne). La "doctrine" gaulliste, comme on dit, se résumait par le volontarisme économique et le compagnonnage politique. Pour ce qui est du premier volet, il s'est transformé en une incantation à la baisse des impôts et des charges; le second s'est désagrégé sous l'action des haines fratricides et des affaires judiciaires. Certes, il existait une certaine rhétorique sociale-gaullienne, qui se perpétue au travers d'un Philippe Séguin, mais l'association de ce dernier avec Philippe Madelin, héritier, lui, de tout ce qui faisait le contraire du gaullisme, n'est pas une alliance "complémentaire". C'est le meilleur "ticket" présentable pour le parti de la droite gouvernementale, segmenté par artifice en formations éparses (RPR, UDF, LDI). Le gaullisme a assumé une fonction historique estimable (le refus de l'Occupation et la décolonisation) en même temps qu'une fonction politique ambiguë (prendre la place d'une droite française discréditée par la Collaboration et brouiller les frontières avec la gauche). La victoire présidentielle de Jacques Chirac, à l'enseigne de la fracture sociale, aura été l'ultime avatar de cet art du travestissement politique. Restaient les institutions, tenues pour le fleuron du patrimoine. Une dissolution sans autre raison qu'une commodité de calendrier, une campagne incompréhensible sur le thème du changement en gardant les mêmes, la résignation apparente à une cohabitation de cinq ans, une valse ridicule de Premiers ministres sortants et entrants - tout cela démontre, s'il le fallait, que la Constitution de la Ve République était faite pour un grand homme - de Gaulle -, voire un habile homme - Mitterrand -, mais non pour un homme ordinaire, c'est-à-dire normal. Aussi est-il urgent de faire entrer la France dans la modernité démocratique, avec un régime parlementaire ou présidentiel simple lui épargnant les contorsions cohabitationnistes. Afin d'effacer les dernières séquelles du gaullisme.

 

 

© Libération 1997
 

 

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