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"Le gaullisme pluriel essaime à gauche et à droite"
Laurent de Boissieu

La Croix - 14/11/2001

 

« Il y a autant de définitions du gaullisme que de gaullistes », assure le député RPR Dominique Perben. Historiquement, le gaullisme politique est un arbre à plusieurs ramifications. Pour faire simple, du tronc gaulliste sortent deux branches, l'une conservatrice, « de droite » (Georges Pompidou). L'autre progressiste, qui possède un rameau « centriste » (Jacques Chaban-Delmas) et un petit rameau « gaulliste de gauche ».

Plus récemment, les gaullistes se sont divisés sur la question européenne. Avec, en 1999, le départ du RPR d'une poignée de souverainistes du RPF.

Au moins deux candidatures se réclamant du gaullisme sont donc attendues à la présidentielle de 2002, celle de Charles Pasqua, président du RPF, et celle de Jacques Chirac, fondateur du RPR en 1976 et président de la République sortant. Pour Jacques Myard, député RPR passé au RPF, « le souverainisme qu'exprime Charles Pasqua est l'expression du moment du gaullisme ». Pourtant, resté au groupe parlementaire RPR, il estime que « le RPF est le seul à avoir une cohérence d'action. Le gaullisme, ce n'est pas seulement un discours, ce sont des actes : lorsqu'on est gaulliste, on ne ratifie pas les traités européistes de Maastricht ou d'Amsterdam ! ». En réponse, le chiraquien Dominique Perben rétorque que « présenter de Gaulle comme l'homme du refus de l'Europe est une lecture partielle du gaullisme ». Entre les frères ennemis du RPR et du RPF, la fracture européenne reste béante.

Lancé après l'obtention de 13 élus aux élections européennes de 1999, le RPF de Charles Pasqua a connu plusieurs scissions : celle des souverainistes libéraux proches de Philippe de Villiers, puis celle des partisans d'un souverainisme « ni de droite ni de gauche ». Ceux-ci, souvent issus des clubs séguinistes et pasquaïens des années 1990, comme le Rassemblement pour une autre politique (RAP) ou Demain la France, sont aujourd'hui en passe de rallier la candidature de… Jean-Pierre Chevènement. Florence Kuntz, élue ex-RPF au Parlement européen, attend cependant encore avant de choisir définitivement son candidat au sein de la « primaire souverainiste qui oppose Chevènement et Pasqua ».

Toujours est-il que la composante gaulliste du « pôle républicain » chevènementiste se renforce de jour en jour. Si le soutien de gaullistes de gauche de l'Académie du gaullisme (Jacques Dauer) ou de la Nouvelle Union démocratique du travail (UDT) est logique, la séduction opérée jusqu'au RPR par l'ancien dirigeant du PS l'est moins. À l'image de Vincent Carles, président du RPR Sciences-Po, qui s'est rallié avec son homologue du PS en se réclamant du général de Gaulle, de Pierre Mendès France et du « radical-gaulliste » Jacques Chaban-Delmas. Le gaulliste de gauche Pierre Dabezies, chargé par Jean-Pierre Chevènement de coordonner les réseaux gaullistes et souverainistes de droite, confie par ailleurs qu’« un ensemble d'initiatives de gaullistes historiques et de jeunes sont en préparation ».

« La grande réserve des gaullistes vient du fait que la plupart ont pris l'habitude de se positionner à droite », déplore-t-il cependant. De fait, au RPR et au RPF, l'origine de Jean-Pierre Chevènement demeure le principal argument pour contrer sa candidature. « Chevènement reste un homme de gauche », martèle le pasquaïen Jacques Myard. « Il adopte le verbe gaulliste, mais son action passée ne répond pas du verbe d'aujourd'hui », insiste de son côté le chiraquien Jacques Godfrain. Tandis que Dominique Perben dénonce « le côté inachevé de la démarche chevènementiste : on ne gouverne pas avec 10 % des voix, il devra bien dire avec qui il compte s'allier ! ».

« Jean-Pierre Chevènement est le thermomètre de l'attente d'un message républicain, donc gaulliste », analyse toutefois Nicolas Dupont-Aignan, député RPR ayant effectué un bref passage au RPF. Fondateur du club Debout la République !, il explique que « les Français ne veulent ni d'une politique dans le rétroviseur, ni de la pensée unique qui guide toutes les politiques gouvernementales depuis près de vingt ans ». Fidèle de Jacques Chirac, Jacques Godfrain aimerait également « qu'il y ait davantage de personnes dans l'entourage chiraquien qui parlent à haute voix de politique sociale et de participation ». Explicitement ironique et implicitement critique, le député RPR dit ainsi « espérer un second tome » au « contrat pour l'alternance » que viennent de publier les chiraquiens des clubs Dialogue et Initiative (1).

Sur le terrain, Jérôme Sterkers, président de l'association Appel d'R, dont Philippe Séguin est le président d'honneur, constate : « On ne pourra pas demander longtemps aux gaullistes d'attendre que Jacques Chirac arbitre, dans son entourage, entre les libéraux-libertaires et les républicains ». Précisant que certains membres d'Appel d'R participent déjà, « à titre individuel », à la campagne chevènementiste.

Chirac, Pasqua, Chevènement : trois candidats soutenus par des gaullistes que tout peut opposer. Rien de commun, en effet, entre d'une part Dominique Perben, ancien ministre d'Édouard Balladur, pour qui « il est assez naturel que le candidat du plus grand nombre de gaullistes soit Jacques Chirac », et d'autre part Pierre Dabezies, élu en 1977 conseiller de Paris sur des listes d'union de la gauche. Rien de commun non plus entre le gaullisme passionnel de Charles Pasqua, ancien Résistant, qui intitule son dernier livre Non à la décadence (2), et le gaullisme intellectuel du jeune chevènementiste Emmanuel Saussier, « trotskiste au lycée puis gaulliste depuis la découverte du gaullisme de gauche en fac d'histoire ».

Reste que le fait marquant de cette précampagne présidentielle demeurera la tentation chevènementiste de l'électorat gaulliste. Les événements diront si Charles de Gaulle était prophétique en déclarant à David Rousset, en mai 1968 : « la gauche se réclamera de moi après ma mort ».

 

(1) Michel Barnier (RPR), Jacques Barrot (UDF), Dominique Perben (RPR) et Jean-Pierre Raffarin (DL), Notre contrat pour l'alternance, Plon, 89,21 F
(2) Charles Pasqua, Non à la décadence, Albin Michel, 95 F

 

 

© La Croix 2001
 

 

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