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"Les héritiers du gaullisme n'auront plus de parti"
Laurent de Boissieu

La Croix - 11/07/2002

 

Le RPR a examiné, hier, son intégration à l'Union pour la Majorité Présidentielle (UMP). À l'automne devrait donc disparaître le dernier avatar des partis se réclamant de l'héritage du général de Gaulle

Le RPR a réuni, hier soir, son comité politique, pour confirmer la convocation d'assises extraordinaires, le 21 septembre. À l'occasion de ces assises, les militants néo-gaullistes se prononceront, sans suspense puisque telle est la volonté de Jacques Chirac, pour l'intégration du RPR dans l'Union pour la Majorité Présidentielle (UMP). L'UMP sera officiellement transformée en parti un mois plus tard, lors d'un congrès fondateur. Avec la disparition programmée du mouvement se réclamant du gaullisme se tourne donc une page de l'histoire de la vie politique française.

Créé en 1947, le Rassemblement du Peuple Français (RPF) est le seul parti qui a rassemblé l'ensemble des gaullistes. Sous la Ve République une petite minorité d'entre eux, notamment parmi les "gaullistes de gauche", restera, en effet, toujours en marge de l'organisation majoritaire. Cette dernière a changé plusieurs fois de nom depuis la création, en 1958, de l'Union pour la Nouvelle République (UNR) : UNR-UDT en 1962, Union des Démocrates pour la Ve République (UDVe puis UDR) en 1967, Rassemblement Pour la République (RPR) en 1976. À l'automne prochain, il devrait cependant bien s'agir de la création d'un nouveau parti, et non d'un simple changement de nom ou d'un élargissement du RPR. Le processus n'est donc pas comparable à celui des assises de Lille en novembre 1967, où l'UNR s'était métamorphosée, lors de l'adhésion de démocrates-chrétiens ralliés (Maurice Schumann, Marie-Madeleine Dienesch) et de certains "gaullistes de gauche" (Philippe Dechartre). Au-delà des néo-gaullistes du RPR, l'UMP regroupe en effet la majorité des parlementaires libéraux et démocrates-chrétiens, même si une minorité d'entre eux se retrouvent au sein de l'UDF maintenue par François Bayrou.

Dans le passé, à chaque élargissement de la majorité, sous Charles de Gaulle puis Georges Pompidou, les convertis avaient, au contraire, créé une structure autonome au lieu de rejoindre un "parti du président" unique : les Républicains Indépendants en 1962 (Valéry Giscard d'Estaing) puis le Centre Démocratie et Progrès en 1969 (Jacques Duhamel, Joseph Fontanet). Comme argument principal pour la création d'un parti unique, les promoteurs de l'UMP affirment qu'aujourd'hui les clivages idéologiques hérités de l'histoire - gaullisme, démocratie chrétienne, libéralisme, radicalisme - sont dépassés. Pour preuve, les UDF ralliés à l'UMP mettent en avant les discours de Jacques Chirac en faveur de la décentralisation, à Rennes, en décembre 1998, et pour une Constitution européenne, devant le Bundestag en juin 2000. À droite, l'expression en vogue depuis plusieurs années consiste ainsi à dire que le RPR s'est "UDFisé". Dans ces conditions, la division en trois partis - le RPR, l'UDF et DL - ne se justifierait plus. Un des enjeux au sein du futur parti est donc la création de courants qui transcendent les frontières partisanes actuelles.

Le tournant idéologique des héritiers du général de Gaulle s'est opéré en plusieurs étapes. Tout d'abord la captation de l'héritage par l'aile droite du gaullisme, avec Georges Pompidou, au détriment de l'aile sociale où se retrouvaient aussi bien Jacques Chaban-Delmas que les "gaullistes de gauche" (Louis Vallon, René Capitant). Ensuite l'alternance de 1981, qui a définitivement ancré les héritiers à droite. C'est ce que les politologues ont appelé "le moment néo-libéral du RPR" (1). Le changement de positionnement des cadres du RPR sur l'échelle droite-gauche entre 1978 et 1984 illustre ce tournant (2) : 72% des cadres du RPR se positionnaient à droite ou au centre droit en 1984 contre seulement 18% en 1978, tandis que seuls 26% se disaient encore au centre (52% en 1978) et plus que 2% à gauche ou au centre gauche (30% en 1978). Jacques Chirac lui-même, au moment de la création du RPR, se démarquait nettement de la droite. "Rien ne serait pire que la tentation de nous placer à droite. Il est clair que le mouvement gaulliste ne peut pas dans l'avenir être classé à droite. Pour cela il y a d'autres mouvements politiques parfaitement adaptés", affirmait-il par exemple dans les colonnes du Monde le 1er juillet 1975. Ce n'est que lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 1995 que Jacques Chirac renouera, opportunément face à Édouard Balladur, avec le positionnement gaulliste "ni droite, ni gauche".

Des membres du RPR ont toutefois tenté de s'opposer à ce que Philippe Séguin qualifiait, dès 1984, de "dérive droitière du RPR". Afin d'éviter d'être marginalisée, comme les "gaullistes de gauche" qui avaient voulu agir de l'extérieur de l'UDR puis du RPR, cette sensibilité a décidé de lancer, à l'initiative de Nicolas Dupont-Aignan et de l'ancien secrétaire général du RPR Adrien Gouteyron, un "courant gaulliste et républicain au sein de l'UMP", intitulé Debout la République. Reste à savoir quel sera leur poids au sein du futur parti. D'autant plus que certains ont préféré rejoindre le Pôle Républicain de Jean-Pierre Chevènement ou, surtout, le sillage de l'ancien séguiniste François Fillon, qui a toutefois mis beaucoup d'eau libérale et girondine dans son vin gaulliste.

 

(1) Jean Baudouin, Revue française de science politique, décembre 1990.
(2) Pierre Bréchon, Jacques Derville et Patrick Lecomte, Revue française de science politique, octobre 1987.

 

 

© La Croix 2002
 

 

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