Centre d'Information sur le Gaullisme

 

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INTRODUCTION

 

Parler du gaullisme et de l’Europe impose deux remarques terminologiques liminaires, quant à la construction européenne d’une part et quant au gaullisme d’autre part.

Au sujet de la construction européenne, il convient dans l’analyse d’un discours partisan de ne pas se fier aux termes employés, mais de regarder la réalité des faits. Le champ des forces politiques revendiquant une conception supranationaliste de la construction européenne est en effet beaucoup plus étroit que celui des forces politiques acceptant dans les faits des institutions à caractère supranational. Au-delà des querelles sémantiques et juridiques[1], cette étude s’articulera par volonté pédagogique à partir d’une opposition théorique entre deux types de construction européenne, axée autour de la question du refus ou de l’acceptation d’institutions supranationales.

D’un côté les conceptions nationalistes ou stato-souverainistes (souveraineté indivisible de l’État), refusant le principe d’une intégration supranationale, c’est-à-dire favorables à des institutions à caractère intergouvernemental.

D’un autre côté les conceptions supranationalistes, prévoyant des institutions à caractère fédéral. Mais si le confédéralisme renvoie aux conceptions stato-souverainistes, toute intégration supranationale n’induit pas qu’il y ait fédéralisme. Le fédéralisme correspond en effet à l’idée d’un partage de la souveraineté entre plusieurs échelons (infranational ou régional ; national ; supranational ou européen) aboutissant à la superposition de deux ordres étatiques : celui des États fédérés et celui de l’État fédéral[2]. Or une intégration supranationale peut respecter le principe de la souveraineté étatique par des délégations de souveraineté à l’échelon européen, sans qu’il y ait formation d’un État fédéral européen.

Tel est actuellement le cas de l’Union européenne[3], dont l’enjeu n’est donc plus la question de la supranationalité mais au sein de celle-ci du passage ou non au fédéralisme.

Au sujet du gaullisme enfin, cette analyse se délimitera au gaullisme stricto sensu, c’est-à-dire au gaullisme sous Charles de Gaulle (jusqu’en 1969). Il faut cependant signaler que la construction européenne sera ensuite un sujet de vives polémiques politiques entre gaullistes, du référendum de 1972 sur l’élargissement de la Communauté européenne à celui de 1992 sur l’Union européenne[4].

D’où la question fondamentale suivante : existe-t-il une doctrine européenne gaullienne ? D’autant plus que dans le domaine de la construction européenne la continuité de la doctrine gaullienne est imparfaite : ce n’est en effet qu’au début des années 1950 que la doctrine européenne gaullienne se fixe telle qu’elle est actuellement popularisée, en particulier dans son opposition à une Europe supranationale.

Il convient en outre d’éviter deux écueils qui menacent toute étude du gaullisme. Le premier écueil est relatif au gaullisme étudié : est-ce le gaullisme de l’action gouvernementale et présidentielle de Charles de Gaulle ou est-ce le gaullisme des discours et écrits gaulliens ? Il est en effet nécessaire de s’attacher aux deux, comme dans les autres domaines (en particulier social et institutionnel), Charles de Gaulle n’ayant parfois que très partiellement pu mettre en pratique la doctrine gaullienne telle qu’elle ressort de ses discours ou écrits[5]. Le second écueil est la théorie d’un gaullisme-pragmatisme, sans doctrine préétablie, théorie qui sera d’emblée écartée[6]. Si le gaullisme est un pragmatisme, il s’agit en effet d’un pragmatisme de moyens (quand et comment le faire ?) et non de finalité (que faire ?). Il existe donc bien une doctrine gaulliste.

Deux axes d’études permettront de dégager la conception gaullienne de l’Europe : d’une part la gestion par Charles de Gaulle de la construction européenne réalisée sans sa participation, et d’autre part ses tentatives de construction d’une Europe gaulliste.

 

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[1] les principales différences juridiques entre fédération et confédération sont les suivantes :

  confédéralisme fédéralisme
acte fondateur traité international Constitution
souveraineté États confédérés État fédéral

États fédérés

sujets de droit international États confédérés État fédéral
sujets États confédérés citoyens de la fédération
prise de décision unanimité ou majorité renforcée majorité
applicabilité des décisions par l'intermédiaire des États confédérés directe

[2] la répartition des compétences entre États fédérés et État fédéral s’effectuant, par exemple, en appliquant le principe de subsidiarité, issu de la doctrine chrétienne sociale.

[3] qualifiée par Jacques Delors d’« objet politique non identifié ».

[4] référendum du 23 avril 1972 : l’Association pour la fidélité à la mémoire du général de Gaulle (Pierre Lefranc) s’oppose à l’adhésion de la Grande-Bretagne, souhaitée par le président de la République Georges Pompidou ; référendum du 20 septembre 1992 : le Rassemblement pour le non (Charles Pasqua, Philippe Séguin) s’oppose à la ratification du traité de Maastricht soutenue par Jacques Chirac, président du Rassemblement pour la République (R.P.R.).

[5] notamment la participation ou  association capital-travail, la déconcentration régionale, la réforme du Sénat, etc.

[6] même si cela semble plus se vérifier en matière européenne que dans d’autres domaines, notamment en matière économique et sociale où la théorie du gaullisme-pragmatisme sert d’alibi à certains conservateurs, qui se réclament du gaullisme en l’amputant de sa doctrine sociale (troisième voie anticapitaliste et antimarxiste, rôle de l’État, etc.).


 

© Laurent de Boissieu
 

 

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